Quand l’histoire et le vin se racontent
La Géorgie est considérée comme l’un des premiers berceaux de la civilisation, comme la Mésopotamie et l’Egypte. Son sol accueilli les premiers hominidés connus hors d’Afrique il y a plus d’1,5 millions d’années. Au néolithique, elle développa de nombreuses cultures, dont la vigne, qui s’étendirent jusqu’à ses voisins.
Depuis toujours, chaque géorgien fait son vin pour subvenir à sa propre consommation
De par sa position stratégique, la Géorgie est depuis toujours enviée par les superpuissances qui l’entoure.
L’actuelle Géorgie a subi de multiples invasions depuis la haute antiquité. Un roi nommé Pharnavaz aurait réussi à l’homogénéiser, à instaurer un panthéon de divinités et à créer un ensemble étatique stable divisé en 9 régions. Ce roi passe pour avoir créé la première écriture Géorgienne au IIIème siècle av JC.
Sainte Nino
Nino va convertir la Géorgie au christianisme vers 317. Née en Cappadoce, elle serait partie évangéliser des régions de la Transcaucasie jusqu’à Mtskheta, capitale des Meskhes. Elle se fait remarquer par sa foi, sa discrétion et elle réalise de nombreux miracles. Elle convertit la reine et le roi d’Ibérie puis évangélise tout le pays. L’église de Géorgie est l’une des plus anciennes au monde, elle est de confession orthodoxe. Pour la petite histoire, on dit que Nino aurait attaché, avec ses longs cheveux, deux sarments de vigne qui lui auraient été tendus songe par la vierge Marie pour former une croix.
Croix de sainte Nino
Avec le christianisme en Géorgie apparaissent les monastères, dans lesquels la production du vin est primordiale, puisqu’il joue un rôle très important dans la liturgie chrétienne. Ce sont les moines qui vont être détenteurs du savoir-faire œnologique, cela jusqu’à l’ère soviétique.
La reine Tamar
Le XIIème siècle fut l’un des plus riches de l’histoire de ce pays. Cette période est connue sous le nom d’« âge d’or », tant elle a été riche sur le plan économique, politique, intellectuel, artistique et culturel. La société géorgienne était si avancée qu’elle plaça sur le trône une femme : la reine Tamar. Elle a été immortalisée par son ami le poète Chota Roustavéli dans
« Le chevalier à la peau de panthère », qui est un monument de la littérature géorgienne. C’est sous son règne que d’importants réseaux d’irrigations furent creusés pour faire circuler l’eau dans des zones qui en étaient privées. Cela va apporter une certaine prospérité à la région.
Catherine II de Russie, Irakli II le géorgien et autres monarques
A partir de 1783, les géorgiens vont demander protection aux russes. Les traités, bien que peu avantageux pour les géorgiens (ils se font quand même envahir par les ottomans), se renouvellent avec l’empereur Paul Ier et Georges XII le géorgien. Le tsar Alexandre Ier, en 1802, annexe la Géorgie orientale et la rattache à l’empire. Une vice royauté du Caucase est créée à Moscou. La maitrise de la Géorgie était stratégique : elle permettait un accès aux mers du sud et, surtout, servait de premier verrou contre la menace ottomane. A cette époque, le russe est parlé dans tout le pays. Il permet un contact entre les populations même les plus éloignées et favorise les échanges.
L’Age d’or de la viticulture
On situe traditionnellement l’âge d’or de la viticulture à cette époque. Une poignée d’aristocrates donne leurs lettres de noblesse aux vins locaux. Les princes Chachavadze, Bagration de Mukhran et Kipiani, sont d’une importance capitale dans l’évolution du vignoble. Ils entretiennent des relations étroites avec l’Europe et importent, à la suite de leurs voyages en France, un savoir-faire qui perfectionnera les techniques de production géorgiennes. En 1889, le vin géorgien est médaillé à l’exposition universelle de Paris. Les vins géorgiens bénéficient d’une image « de vin de la cour des tsars ». Ils sont tant appréciés que, pour satisfaire la demande, la qualité se détériore au profit de la quantité. Certaines méthodes traditionnelles sont abandonnées. De plus, le vignoble géorgien est, lui aussi, touché par le phylloxéra à la fin de ce siècle.
L’apparition des bouteilles
C’est dans la première moitié du XIX ème siècle que la Géorgie connait une innovation technique majeure avec la diffusion de la bouteille. Les bouteilles sont apportées par les russes. Elles arrivent d’abord dans les grandes villes, elles commencent à côtoyer la traditionnelle cruche en terre cuite. Elle apparait d’abord sur les tables les plus riches. Avec l’apparition de la bouteille c’est aussi l’apparition de l’étiquette puis du millésime. Les premières sont faites à la main. Les verres à boire font également faire leur apparition, ils vont concurrencés sans éliminés les cornes, les bols etc.
La république du Caucase
Après la révolution de 1917, la république de Géorgie est proclamée. Cette victoire sera de courte durée : dès 1921, la Russie l’envahit à nouveau et la contrôle par le biais d’un gouvernement bolchevik à Tbilissi.
Staline et l’ère soviétique
Staline est nommé secrétaire général de l’URSS en 1922. Il est originaire de Gori. Malgré ses origines, il ne fait aucun cadeau au peuple géorgien. Il rend célèbre un vin dont il en raffole : le Khvantchkara de la Racha, un rouge semi-doux. La légende dit que Staline, Churchill et Roosevelt ont découpé le monde à Yalta en 1945 en sirotant du Khvantchkara. Il prit l’habitude de venir en villégiature sur la mer noire avec d’autres apparatchiks.

Vin géorgien servi à Yalta
La Géorgie, le grenier à vin de l’URSS
Pendant toute l’époque soviétique, la Géorgie, mais aussi la Moldavie et l’Ukraine, sont considérées comme la cave à vin de l’URSS. Pendant 70 ans, l’administration soviétique impose une logique purement productiviste. On crée des usines à vins. La viticulture s’industrialise, on instaure de grandes unités de vinifications. On privilégie la culture en plaine. On diminue le nombre de cépages, on garde les plus quantitatifs. La terre est collectivisée. On perd des savoirs viticoles comme l’usage de la Kvevri. Le pays a compté jusqu’ à 150 000 ha de vignes pour 50 000 ha de nos jours. Il existait un système d’appellation avant l’ère communiste, qui fut remplacé par une numérotation. Par exemple, le n°8 représentait la Kakhétie. Il n’était pas rare de produire des vins à base de concentré de raisin, auquel on ajoutait de l’eau. Quand ce n’était pas du jus de radis fermenté, voire de l’éthanol : une infâme piquette ! Les plans quinquennaux qui se sont succédés ont épuisé la vigne. Malgré ce tableau noir, les géorgiens restaient autorisés à produire du vin pour leur consommation personnelle, ce qui limitait un peu « la casse ».
Gorbatchev
En 1986, Gorbatchev décide de lutter contre l’alcoolisme, grand fléau soviétique. Il décrète alors que le vin n’est plus un produit agricole noble, mais juste un produit alcoolique. Il exige un arrachage massif des vignes de plusieurs milliers d’hectares !
1991
Indépendance de la Géorgie et guerre civile
Chevardnadzé
Avec l’élection de Chevardnadzé en 1995, la Géorgie retrouve une certaine stabilité politique. Elle donne naissance à la loi « de la vigne et du vin ». C’est le cadre législatif actuel de la viticulture. Grace à cette loi, le secteur viticole devient une priorité économique nationale. Elle établit une liste de cépages nationaux, elle définit des zones viticoles et elle place le secteur viticole sous l’égide du ministère de l’agriculture, département « vigne et vin ».
2006
Avant l’embargo russe, la Géorgie exportait 90 % de ses vins en Russie. Après, les revenus de l’exportation ont chuté de 60 millions à 23 millions. Les russes n’ont pas donné d’autorisation sanitaire aux vins géorgiens, arguant de multiples fraudes : prétextes à moitié fallacieux.
2008
Guerre d’août, la Russie reconnait l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.
Ivanichvili
L’homme fort du pays, élu premier ministre en 2012 est proche des russes. Il va contribuer à un réchauffement entre les 2 pays et, notamment, à la levée de l’embargo sur les vins.
Et un p’tit extrait ( meme inventé ) du « chevalier a la peau de panthere » ?
Il était une fois, un beau chevalier qui allait vers de lointaines contrées…
bravo Marielle … un peu plus de potins people pour agrementer les faits historiques… meme si ces potins sont inventes, c est vivant. Belle perspective historique en tous les cas.